Du domaine des murmures, Carole Martinez
Titre: Du domaine des murmures
Auteur: Carole Martinez
Résumé:
En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire "oui". Contre la décision de son père, le seigneur du domaine des murmures, elle s'offre à Dieu et exige de vivre emmurée jusqu'à sa mort. Elle ne se doute pas de ce qu'elle entraîne dans sa tombe, ni du voyage que sera sa réclusion... Loin de gagner la solitude, la voici bientôt témoin et actrice de son siècle, inspirant pèlerins et croisés jusqu'en Terre Sainte.
Aujourd'hui encore, son fantôme murmure son fabuleux destin à qui sait tendre l'oreille.
Un magnifique chef-d'oeuvre que voilà, doté du prix Goncourt des lycéens en 2011.
Refusant le mariage avec Lothaire Montfaucon, la fille du seigneur des murmures se tranche l'oreille (elle hésite avec le nez mais préfère éviter d'être complètement défigurée) et demande de se faire emmurer à la place. Ce n'est que le début de tous ses problèmes... Qui aurait cru que neuf mois plus tard naisse un enfant aux mains trouées?
Esclarmonde, l'ombre, la clôturée, la vierge des murmures, la colombe... Une héroïne pleine de vie, de caractère, une passionnée, une sacrifiée. Un personnage fantastique qui flirte entre songe et réalité et qui murmure son histoire qui veut bien l'entendre. Une insoumise, qui n'a pas dit son dernier mot. Voilà le portrait que Carole Martinez nous peint dès le début du roman.
"Ma voix a déplu, on me l'a arrachée. Et les phrases avalées, les mots morts-nés m'étouffent. La foule des peines souterraines me tourmentent. Ce qui n'a pas été dit m'enfle l'âme, flot coagulé, furoncles de silence à percer d'où s'écoulera le pus qui me retient entre ces pierres, ce long ruban d'eau noire charriant carcasse d'émotions, cris noyés aux ventres gonflés de nuit, mots d'amour avortés. Saignées de paroles pétrifiées dans leurs gangues."
Les descriptions sont riches, belles, le vocabulaire puissant et l'écriture cruelle. Esclarmonde raconte son siècle. Elle le regarde de par dessous la terre et entreprend de le comprendre. Elle explique ses choix, dessine ses conditions de vie, grave sa parole. Elle veut être entendue.
"Je veux dire à m'en couper le souffle.
Ecoute!"
Au fur et à mesure du livre, les explications posées et raisonnées de la sacrifiée se transforment en délire. L'histoire grimpe en folie et beauté, Esclarmonde crie sa vie plus qu'elle ne murmure. On veut l'aider, lui dire que le roman est bientôt terminé, qu'on s’approche de la fin. Elle harcèle le lecteur pour qu'il ne lâche plus le bouquin et continu de lire. Pour qu'il culpabilise de l'avoir laissée seule à son triste sort même le temps d'une courte pause. La maligne...
La fin est géniale, une vraie fin de roman spectaculaire! Ça crépitait d'impatience depuis quelques pages et d'un coup, ça flambe. En un rien de temps, plus rien, un nuage de cendre...
Récit d'une sainte durant le Moyen Age, affrontant un destin hors du commun